Monsieur le Recteur,
Le SNES et la FSU sont, vous le savez, particulièrement attachés à un dialogue social constructif. Dans notre académie, si les échanges peuvent être vifs, le respect mutuel que se doivent les interlocuteurs les uns envers les autres est une réalité dont nous nous félicitons.
On ne peut malheureusement pas en dire autant actuellement des débats qui émaillent la présentation de la réforme du Collège, notamment au travers des déclarations de la Ministre de l’Éducation Nationale et même, ce qui est plus inattendu encore, du Président de la République. Les enseignants qui osent émettre la moindre critique argumentée de ce projet sont ainsi tour à tour traités de conservateurs ou de tenants de l’immobilisme, attachés à la défense de leurs privilèges comme de ceux d’une minorité d’élèves. Quant aux clichés sur un enseignement du latin désuet, basé sur le seul apprentissage systématique des déclinaisons, ils dénotent à la fois un manque de connaissance des réalités mais aussi de considération pour des professeurs de Lettres Classiques qui, comme les autres, font leur travail avec passion et n’ont cessé, avec les corps d’inspection, de faire évoluer leur discipline.
Le second degré a déjà vécu trois réformes successives : celle du Collège en 2005, celle de la voie professionnelle en 2009 puis celle du Lycée en 2010. À chaque fois, les inquiétudes et les critiques formulées par les professionnels de terrain que nous sommes ont été balayées d’un revers de main au nom d’une expertise et d’un intérêt supérieurs qui leur échappaient. Pourtant, à bien des égards, ces réserves étaient fondées et il y aurait lieu de faire par exemple un bilan exhaustif et objectif de la réforme du Lycée. Ce bilan était annoncé et attendu pour ce printemps 2015, mais il n’aura pas lieu. Craint-on au Ministère qu’il révèle des dysfonctionnements d’autant plus fâcheux qu’ils portent sur des dispositifs repris dans le projet de réforme du Collège ? Ce pourrait être le cas, par exemple, de l’AP dont on nous avait vanté alors les vertus magiques dans le traitement de la difficulté scolaire mais dont on voit que sa conception comme les moyens qui lui sont alloués en limitent grandement la portée.
Nous ne ferons pas ici la liste des aspects de la réforme du Collège qui posent problème mais nous souhaitons attirer votre attention sur les Enseignements Pratiques Interdisciplinaires. Nous considérons que ce dispositif pourrait avoir un intérêt s’il résultait d’une réflexion approfondie avec l’ensemble des acteurs du système éducatif mais surtout si sa mise en oeuvre ne se faisait pas au prix de pertes conséquentes pour les horaires disciplinaires. Quiconque prétend lutter contre les inégalités à l’École devrait se rappeler que c’est bien là que les élèves les plus défavorisés entrent en contact avec les savoirs, les connaissances et les compétences qui feront d’eux les citoyens de demain. Par ailleurs, le travail interdisciplinaire nécessite des pré-requis dans chacune des disciplines concernées. Il est assez curieux de devoir souligner une telle évidence.
Toujours est-il que ces EPI, avec les marges horaires allouées à chaque division, sont conçus comme les leviers de l’autonomie des établissements voulue par la Ministre. Nous affirmons ici qu’ils seront avant tout la cause d’un accroissement des écarts entre eux.
Car vouloir adapter les contenus au contexte local, tout en supprimant des dispositifs plus ambitieux comme les langues anciennes ou régionales, les classes bilangues ou européennes, c’est soumettre encore plus chaque élève à son environnement immédiat. Cela ne peut que renforcer les déterminismes sociaux et ouvrir plus grandes encore les portes des établissements privés.
Il y aurait un grand risque à vouloir réformer le Collège contre l’avis des enseignants ou, à tout le moins, sans que ceux-ci n’aient été associés à la réflexion, soit directement, soit par la voix de ceux qui les représentent. Ce risque, c’est celui d’un échec dont les élèves eux-mêmes feraient en premier lieux les frais. Le SNES, majoritaire dans le second degré, maintient sa demande d’une réforme du Collège ambitieuse pour les jeunes comme pour la Nation. Nous vous demandons donc, Monsieur le Recteur, de bien vouloir transmettre à Madame la Ministre de l’Éducation Nationale notre exigence de voir reprises avec la profession les discussions sur la rénovation du Collège, dans un climat apaisé et constructif basé sur un respect et une confiance réciproques.
En ce qui concerne l’ordre du jour de cette CAPA, nous nous félicitons que les principes qui ont présidé à la création de la hors-classe des enseignants et CPE aient été rappelés par la note de service du 16 décembre 2014. Il y est notamment rappelé que celle-ci doit « contribuer à la revalorisation des carrières » de ces personnels.
Pourtant, avec un contingent de 406 promotions et seulement 300 certifiés dans le 11e échelon de la classe normale, il est incompréhensible que 99 d’entre eux ne soient pas promus. C’est d’autant plus surprenant que parallèlement, 205 collègues du 10e échelon obtiennent, eux, cette promotion. Il semble en tout cas que les recommandations formulées dans la note de service n’aient pas toutes été prises en compte. On y lit par exemple que, je cite, « la valeur professionnelle de chaque agent peut être distinguée, en tout premier lieu, dans le cadre de l’attribution de la notation, par un avancement plus rapide d’échelon. » Les notateurs sont donc invités à, je cite encore, « vérifier que les personnels méritants les plus jeunes bénéficient d’abord d’un avancement plus rapide d’échelon avant de bénéficier éventuellement d’un avancement de grade. » Et par voie de conséquence, il est demandé aux chefs d’établissement et inspecteurs pédagogiques régionaux de porter, je cite à nouveau « une attention particulière à la promotion des agents les plus expérimentés, qui ont atteint l’échelon le plus élevé de la classe normale (notamment aux agents ayant trois ans au moins d’ancienneté dans cet échelon) et dont les mérites incontestés ne peuvent plus être reconnus qu’à l’occasion d’une promotion de grade. »
Cette année, 40 collègues de notre académie sont susceptibles de partir prochainement en retraite sans le bénéfice de la hors-classe. Puisque les contingents le permettent, nous vous demandons, Monsieur le Recteur, de promouvoir l’ensemble de ces collègues à la hors-classe des certifiés.
Parmi les 99 certifiés au 11e échelon non promus, 36 ont atteint les 3 ans d’ancienneté dans cet échelon dont 25 se sont vus attribuer 2 avis « satisfaisant » voire « très satisfaisant ».
Le SNES vous demande de promouvoir ces 25 collègues qui ne pourraient vivre un éventuel refus que comme une sanction. Parmi eux, 6 sont retraitables. Ce sont donc au total 59 collègues que nous vous demandons d’inscrire au tableau d’avancement à la place de collègues qui pourront quant à eux bénéficier d’abord d’une promotion au 11e échelon de la classe normale.
La question des avis nous amène une fois encore à observer les conséquences de différents facteurs sur la probabilité d’obtenir une promotion.
D’après notre étude, si 67 % de l’ensemble des collègues du 11e échelon sont promus, ce taux atteint 77,9 % pour les enseignants de lycée mais tombe à 66,4 % en collège. Quant aux TZR, toujours dans le 11e échelon, seuls 9 d’entre eux sur 28 sont promus, soit 32,1 %. Le même constat peut être fait pour les collègues du 10e échelon exerçant sur zone de remplacement et donc dans des conditions particulières et souvent difficiles.
L’examen de la corrélation entre discipline de recrutement et promotion est lui aussi éloquent. Alors que, rappelons le pour éclairer la comparaison, 67 % des collègues du 11e échelon sont promus, ce taux n’est plus que de 57 % en SES et ne dépasse pas 50 % en anglais et en espagnol. En Education Musicale et en Breton, il n’est que d’un tiers. Certes les effectifs concernés dans ces deux disciplines sont faibles et doivent nous inciter à manipuler avec prudence ces données. Mais en breton par exemple, on constate qu’un seul des 38 collègues promouvables a reçu un avis « exceptionnel » quand 6 autres se voyaient décerner un avis « défavorable ». En Éducation Musicale, aucun des 14 promouvables au 11e échelon n’a reçu d’avis « exceptionnel » quand 5 d’entre eux se sont vus sanctionner par un avis « défavorable ».
Peut-on affirmer ici que, d’une discipline à l’autre ou d’un type d’affectation à l’autre, la probabilité que les enseignants ne soient pas dignes qu’on reconnaisse leur mérite sur l’ensemble de leur carrière n’est pas la même ? Cette question, nous vous la posons, Monsieur le Recteur. De même que nous nous interrogeons sur les conséquences que peuvent avoir les retards d’inspection, en dépit des correctifs en vigueur dans l’académie. Les échanges que nous aurons prochainement sur ces sujets prennent en tout cas ici tout leur sens. Il s’agit en effet de tendre vers toujours plus de justice et d’équité dans la gestion des carrières de nos collègues.
Les élus du SNES-FSU à la CAPA des certifiés.