Le rôle ségrégatif du secteur privé, qui scolarise davantage d’élèves d’origine sociale très favorisée et moins d’élèves d’origine défavorisée que le secteur public, n’est plus à démontrer, comme l’ont mis en évidence nombre d’études récentes. À l’échelle de la Bretagne, la section académique du SNES-FSU l’avait aussi montré dans le hors-série du SNES Bretagne de janvier dernier.
Mais ce que dévoile l’enquête de France Info, c’est qu’en plus d’accueillir des élèves davantage favorisés, les établissements privés sont aussi favorisés dans les dotations allouées par les rectorats. Dans l’académie, comme en France, le H/E (indicateur du « nombre d’heures par élève ») est plus important dans les lycées généraux et technologiques privés que dans les LGT publics. Alors que dans l’académie, le H/E moyen des lycées généraux et technologiques publics est de 1,23 (en moyenne les lycées publics disposent de 123 heures d’enseignement pour 100 élèves dans chaque établissement), il est de 1,32 dans les lycées privés. Ainsi, parmi les 20 lycées qui ont le H/E le plus élevé dans l’académie, 13 sont des lycées généraux et technologiques privés.
Le H/E est un indicateur de dotation des établissements qui est défini comme le nombre d’heures hebdomadaires d’enseignement rapporté au nombre d’élèves. Toutes les heures d’enseignement sont prises en compte (mais pas les heures de pondération ou de réduction de service) et divisées par le nombre d’élèves. Par exemple, si une classe de 28 élèves suit toutes les mêmes 30 heures de cours, le H/E sera égal à 30/28=1,07.
Vous pouvez retrouver le H/E de votre établissement à l’aide du moteur de recherche mis en ligne sur le site de France Info
Les raisons de cette meilleure dotation des lycées privés sont, comme le note le journaliste de France Info, multiples. La taille des établissements est notamment un facteur explicatif important, les petits lycées ayant, en moyenne une meilleure dotation en nombre d’heures par élèves. Ainsi parmi les 20 LGT qui disposent du H/E le plus élevé dans l’académie, 75% ont moins de 500 élèves. Cet « effet taille » est d’ailleurs davantage marqué dans le secteur privé que dans le secteur public, le réseau privé se voyant octroyer le privilège de continuer à faire fonctionner nombre d’établissements de petite taille.
À côté du nombre d’élèves, l’offre de formation joue aussi un rôle important dans les dotations allouées aux établissements. Les lycées publics qui apparaissent les « mieux dotés » sont les lycées qui offrent des formations de CPGE, formations en moyenne davantage dotées en nombre d’heures / élèves que les formations générales et technologiques du secondaire.
Si ces facteurs explicatifs peuvent permettre de comprendre les dotations différentielles allouées aux établissements, il n’en reste pas moins que cette enquête et ces chiffres (que le ministère n’a pour le moment pas rendus publics) montrent que dans l’académie, comme en France, le secteur privé est favorisé quant aux d’allocations de moyens.
Le SNES-FSU a régulièrement interpellé les autorités académiques pour dénoncer cette "concurrence faussée" entre les deux réseaux qui a des effets délétères sur la mixité sociale dans les établissements et nuit à la réussite des élèves les plus fragiles. Le constat est partagé mais le Rectorat ne semble pas toujours déterminé à agir. Le SNES-FSU académique continue à agir à tous les niveaux pour un système scolaire plus équitable en Bretagne.
Kevin Hédé